texte écrit le 15 mai ailleurs..
Je me réveille étourdie. Je bronche sur une chaussure abandonnée dans l'escalier, elle a sans doute une bonne raison d'être là, tout comme la poussière se marie bien à l’étagère se trouvant à ma gauche, tout comme la toile d’araignée s’offrant à l’angle du plafond. Le silence est interrompu par l'arrogance d'un vent violent ce matin.
Quelques heures plus tard, le balai se repose, il me dit qu’après tout, pourquoi vouloir lutter contre Mistral et Tramontane, sont trop fous ces deux là réunis.
J'erre dans mon aquarium sans eau, je fais des bulles avec mes mots, je déambule en fantôme accompli, j’ « oisive » en statue mal sculptée.
Je vais faire pipi…
Voilà c’est fait, je bois mon énième café-clope. Mince j'ai oublié de me laver les mains entre le pipi et le café. Tant pis, je n'accomplis que les gestes essentiels aujourd'hui. Je n'ai pas encore croisé ma salle de bain, ni le miroir au reflet de l'égo. Je suis clocharde, les cheveux en bataille, probablement une gueule de rien. Ma féminité s'est perdue quelque part entre mon lit et mon tabouret. J'ai encore Morphée dans ma poche et des poches sous les yeux. Mais le vent dehors s'en fiche royalement. Il ne s'attarde pas sur ces petits détails. Il cherche à me séduire quand même par tous les moyens. Il me joue son jeu des bourrasques, mais je n'ai aucun atout dans les mains pour gagner. D'ailleurs je me laisse choir. Le seul truc que je voudrai aujourd'hui, c'est qu'il me lave le cerveau avec ses courants d'air. Qu'il chasse ce chagrin inconsolable, qu'il chasse surtout cette envie obsédante de lui, cet homme d'oublieuse mémoire qui remplit tous les interstices de cette grande maison. Tout me le rappelle. Pourtant j'ai changé tous les meubles de place, j'ai lavé mainte fois depuis son ADN, passé l'aspirateur. Peut-être reste-t-il son empreinte du pouce sur la porte d'entrée ou de sortie, tout dépend de là où l'on se place. En changeant les draps, trop longtemps laissés sans les laver, j'ai trouvé entre le matelas et le bois de la tête de lit, un mouchoir froissé et légèrement cartonné et comble de l’ironie le fameux tube bleu. Raahh !
Reste les six mètres carrés fatidiques dont je n'ai pu changer la disposition. J'ai bien inversé les tabourets aux couleurs de certains bonbons, dont l'un est un peu craqué sur le dessus. J'ai déplacé la dînette qui n'est pas cassée, c'est pas vrai, j'ai menti. Elle est et reste symbolique et on ne casse pas les symboles. Elle prend juste la poussière, n'a pas servi depuis qu'elle a contenu les gâteaux apéro dans la chambre d’hôtel. Il ne saura jamais que je comptais la lui donner pour son nouvel appartement. Raahh (bis). Mais il n'a pas pris de nouvel appartement, j'ai vérifié, sa voiture est toujours garée dans le jardin à côté de celle de sa femme.
La dernière fois qu'il est venu, il n'a volontairement pas bu le thé que je lui avais préparé, comme pour me signifier qu'il ne boirait plus de mon thé. C'est ma fille le soir qui a rangé toute la cuisine. Je ne sais pas si elle l'a fait exprès mais elle a rangé sur une étagère la théière remplie de son liquide sombre ultra infusé en laissant le sachet à l’intérieur. A ce jour le liquide a dû s’évaporer et le sachet doit être sec et tout rabougri. La théière est sur l'étagère et prend la poussière elle aussi. Je ne bois plus que du café.